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M., Mme, Mx: une langue en évolution constante

Notre société évolue: ça, c’est un fait. Les personnes trans et non binaires sont à l’école, en tant qu’étudiant·es ou enseignant·es. Elles sont journalistes, comptables, même avocat·es: elles existent partout autour de vous.

La nouvelle explose. Un·e enseignant·e ose s’identifier en tant que non binaire! C’est la fin de la civilisation occidentale!  

...ou au moins, ça peut paraitre ainsi, pour une frange de la population. Cette nouvelle, qui ne devrait pas l’être, est plutôt signe d’une société — et d’une langue — en évolution.

La langue française n’a pas toujours existé; elle est le produit d’une métamorphose, passant par le grec, le latin, et les langues d’oïl. Chaque fois qu’un nouveau concept est introduit, on doit lui assigner un nom, souvent en utilisant des idées existantes pour en créer un nouveau. 

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C’est comme ça que le mot «homophobie» nait, en 1977, et également pourquoi le mot «télétravail» réussit à entrer dans notre vernaculaire quotidien quelques quarante ans plus tard. 

Les titres de civilité et les pronoms ont subi une évolution similaire, avec le temps. En anglais, l’usage du titre  «Ms.» pour désigner les femmes — à l’inverse de «Miss» et «Mrs », des titres qui dépendent du statut matrimonial de celle-ci — n’a pas été sans controverse.

C’est également le cas avec l’usage du pronom «they» en forme singulière: celui-ci a été utilisé comme tel depuis le 14e siècle, et a été adopté depuis par plusieurs personnes nonbinaires voulant se désigner avec un pronom neutre.

En français, c’est pourquoi le pronom «iel», une amalgamation d’«il» et d’«elle», a été adopté par la communauté: la langue avait besoin d’évoluer pour permettre aux personnes nonbinaires de s’auto-identifier, et de permettre à autrui de les genrer correctement.

Néanmoins, lorsque celui-ci a été ajouté au dictionnaire Le Robert, une controverse s’est pointé le bout du nez. Même des députés à l’Assemblée nationale française on appelé la situation une «intrusion idéologique manifeste qui porte atteinte à notre langue commune» — une accusation venant de nulle part, surtout que nous ne voulions que nous adresser correctement! 

C’est dans ce contexte-ci, de haine croissante envers les personnes trans tant au Québec qu’ailleurs dans le monde, que la nouvelle se passe: un·e professeur·e souhaite que ses étudiant·es utilisent un pronom et un titre de civilité de son choix correctement, en l’occurrence, le titre «Mx» (prononcé Mix).

Ce titre, utilisé depuis la fin des années 70, figure dans le dictionnaire anglophone Merriam-Webster depuis 2016.

Dans notre contexte francophone, que faisons-nous?

Sans compter «Mme» et «M.», il existe «Me» — un titre réservé aux avocat·es et aux notaires; «Dr» et «Dre», pour les médecins; mais rien d’autre pour le restant de la société civile.

La langue doit évoluer pour tenir compte de ce besoin. Certes, on pourrait également abandonner les titres de civilité, mais tant et aussi longtemps que ceux-ci sont utilisés, il faut que nous puissions être désigné·es, soit par nous-mêmes ou par autrui. 

Au final, l’important, c’est de nous laisser vivre. Laissons les enseignant·es exercer leur métier, surtout dans le contexte actuel de pénurie de main-d'œuvre. La description de l’emploi d’un·e professeur·e, n’inclut pas la gestion, au quotidien, de mégenrage constant par ses propres étudiant·es, et surtout, de la part du grand public.

Ça n’inclut pas non plus de gérer le dommage suite à la réception de milliers de commentaires haineux sur le web.

Nous ne cherchons pas à transmettre une «idéologie» fictive. Nous cherchons un minimum de respect, et dans un monde idéal, un environnement dans lequel nous avions tous·tes des chances égales de nous épanouir. 

Notre société évolue: ça, c’est un fait. Les personnes trans et non binaires sont à l’école, en tant qu’étudiant·es ou enseignant·es. Elles sont journalistes, comptables, même avocat·es: elles existent partout autour de vous.

Être dans le déni, c’est un choix. Être intolérant·e envers celles-ci, ce l’est également.

Alors, laissez-nous vivre, et nous épanouir, tout comme vous et vos proches! 

Céleste Trianon est une juriste et militante transféminine. Elle a fondé, et gère, une clinique juridique en soutien à la communauté trans.