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Chronique |

Trump, les médias, le Canada et nous

«Un cocktail explosif qui n’augure rien de bon.»

Le président élu Donald Trump deviendra officiellement le 47e président des États-Unis aujourd’hui. Or, depuis son élection en novembre dernier, il agit déjà comme s’il était aux commandes du pays, affichant fièrement ses couleurs et ses intentions.

 

Dans son discours d’adieu à la nation, le président sortant du parti démocrate, Joe Biden, a parlé de la menace des oligarques. Un terme faisant référence à Trump et les géants richissimes de l’industrie technologique, qui constituent un danger pour la démocratie.

À vrai dire, ce boys club dicte déjà les paramètres du scrutin de la prochaine élection fédérale canadienne. Comme si nous étions pris en otage par Trump et les géants du web, un cocktail explosif qui n’augure rien de bon.

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La menace des «broligarques»

Plusieurs pourraient arguer que nous avons toujours vécu dans une oligarchie, soit le fait qu’une petite élite composée d’une poignée d’individus soit celle qui fait la pluie et le beau temps aux États-Unis. Il serait plus juste de parler de « broligarchie » instaurée par les dignes représentants des GAFAM, soit les Mark Zuckerberg, Elon Musk et Jeff Bezos de ce monde, ces derniers étaient tous très près du président Trump.

Au début du mois de janvier, Ann Telnaes, une caricaturiste primée qui travaillait jusqu’alors pour le Washington Post depuis 2008, a publié une lettre ouverte dans laquelle elle explique sa démission du quotidien, sonnant l’alarme sur la mort tranquille de la liberté de presse aux États-Unis. The Washington Post aurait refusé de publier l’une de ses caricatures critiquant Trump et le cortège de milliardaires à ses pieds. Elle attribue cette censure et ce dangereux précédent à la proximité de Jeff Bezos — actuel propriétaire du Washington Post – à Trump. Dans la foulée, près de 400 employés du quotidien ont demandé une rencontre d’urgence avec Bezos il y a quelques jours à peine face à l’avenir de plus en plus incertain du Washington Post.

Lors de la dernière campagne électorale américaine qui opposait Trump à la démocrate Kamala Harris, The Washington Post a décidé qu’il ne publierait plus d’appui éditorial du journal envers un candidat, une première en 30 ans. Une annonce qui a plongé le quotidien dans la tourmente et qui a entraîné une vague de démissions et de résiliations d’abonnements à la fin de l’année dernière.

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Le Canada, les médias et C-18

Au Canada, depuis le processus d’adoption du projet de loi C-18, les nouvelles sont bloquées sur Meta, société mère de Facebook et Instagram, dont le propriétaire est Mark Zuckerberg. Il est trop facile de jeter le blâme sur les médias sociaux et les tenir comme seuls responsables de l’effondrement de notre écosystème médiatique. L’industrie a besoin de faire preuve d’humilité et d’effectuer une profonde introspection quant à ce qu’elle propose au public. La conjoncture offre une fenêtre d’opportunité à cet égard.

Toutefois, il n’est pas pas anodin de constater le véritable cul-de-sac que constitue ce blocage. Nombre d’entre nous — journalistes et chroniqueurs — se sentent obligés d’occuper ces plateformes, car c’est principalement par-là que la population s’informe. Boycotter et disparaître complètement des réseaux sociaux accélérerait l’agonie de l’industrie. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le modèle d’affaires des GAFAM en est un qui fonctionne à leur avantage, plaçant l’industrie médiatique dans un véritable catch-22 : damn if you do, damn if you don’t.

Comment faire face à Trump ?

Depuis la démission fracassante de la vice-première ministre de Chrystia Freeland ; démission ayant été le coup de grâce qui a cloué le cercueil politique de Justin Trudeau, les spéculations vont bon train à savoir qui deviendra le prochain chef du parti libéral du Canada. Alors que les élections fédérales sont imminentes, le parti conservateur de Pierre Pollièvre est actuellement en avance dans les intentions de vote.

Plusieurs se sont déjà jetés dans la mêlée pour lui succéder, dont Mme Freeland elle-même. Cette dernière a déjà eu à gérer, M. Trump, en tant que ministre des Affaires étrangères, lors du premier mandat du républicain de 2016 à 2021, quelque chose qu’elle met de l’avant dans sa campagne comme un atout redoutable.

Le spectre d’une hausse des tarifs douaniers du Trump crée un branle-le-bas de combat par chez nous : les premiers ministres des différentes provinces et nombre d’élus politiques cherchent à avoir un discours d’unité pour déterminer la meilleure stratégie pour y répondre et ainsi limiter les dégâts sur les Canadiennes et les Canadiens.

L’américanocentrisme, puissance 1000

Par ses frasques et déclarations-choc, Donald Trump dicte l’agenda médiatique du jour, même au Canada. Une situation qui profite aux médias pour le meilleur et pour le pire. C’est bien connu, la polarisation et le scandale font vendre. Ce phénomène n’est toutefois pas chose nouvelle. Par exemple, cela fait fort longtemps que le Québec couvre davantage la politique américaine que les réalités des francophones hors Québec des autres provinces canadiennes. Or, cet américanocentrisme et ce sentiment que nos vies entières dépendent de ce qui se passe chez nos voisins du Sud se sont accentués depuis quelques années, notamment en raison des liens économiques étroits entre le Canada et les États-Unis.

Il n’y a qu’une seule certitude à ce stade-ci. Il apparaît de plus en plus clair que la question de l’urne au Canada sera à savoir qui sera en position de « gérer » le tempérament du 47e président des États-Unis, dont le second mandat s’annonce encore plus imprévisible que son premier. 

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